
Il est tentant de penser que les autres couples sont plus heureux que nous, qu'ils ont plus de chance.
Je me souviens de Gaël* me racontant ses déboires conjugaux : « vous comprenez, autour de nous, tous les autres partaient en week-end au soleil, au Maroc à Pâques, s’offraient des vacances à l’étranger par-ci par-là…Il fallait qu’on suive le rythme. Simplement, pour moi, ça devenait très compliqué financièrement ». Le couple de Florence et Gaël a fini de se briser sur de grosses problématiques d’argent, qui étaient source d’infinies disputes entre eux, mais aussi d’insécurité matérielle et d’insatisfaction permanente pour les deux.
Gaël m’explique que son métier d’artisan (pourtant choisi par passion), aux revenus par définition irréguliers, a été pointé par Florence comme l’origine de leurs difficultés, au point de le faire envisager lui-même de changer de travail pour un salaire plus régulier.
Florence gagne un salaire faible mais régulier, et Gaël apporte les plus grosses rentrées d’argent, mais de façon aléatoire. Or autour d’eux, en effet, les amis donnent l’impression de vivre dans un plus grand confort, de s’offrir plus de plaisirs, de planifier de « belles » vacances longtemps à l’avance…Ce que ne peut se permettre le couple qu’à condition que Gaël travaille plus, trouve de nouveaux contrats, fasse plus d’heures sur ses chantiers…L’engrenage se met en place.
Pour se maintenir au niveau de vie supposé de ces amis qui partent si souvent en vacances, Gaël se met à travailler sans compter ses heures, s’absente de plus en plus longtemps de la maison, rentre tard et ne voit plus que très peu sa femme et ses enfants. Les moments de qualité, de joie, de complicité en couple deviennent de plus en plus rares et les reproches prennent le pas lors des brefs moments où mari et femme se retrouvent.
Au cours du travail que nous faisons ensemble avec lui, Gaël prend conscience d’un mirage qui l’a conduit là où il en est aujourd’hui. Penser que l’herbe est plus verte ailleurs. Penser que les autres couples sont plus heureux que nous, et qu’avoir ce qu’ils ont ou faire ce qu’ils font pourrait nous permettre d’accéder au même niveau de bonheur.
Mais qui nous dit que ces autres, dont nous ne connaissons finalement que ce qu’ils veulent bien nous montrer, sont plus heureux que nous ? Pourquoi poursuivre des quêtes dont au fond, nous ne sommes pas sûrs qu’elles nous apporteront le bonheur ?
Il y a un vrai travail de dialogue et de discernement à faire en couple (et un conseiller conjugal et familial peut vous y aider) pour repérer quels sont nos besoins et nos désirs à chacun, et comment nous pouvons les mettre en commun pour les réaliser. Quelles sont les activités, quels sont les moments que nous chérissons à deux ? En remontant le fil de notre histoire de couple, quels sont les instants de vie qui nous ont rendu très heureux ?
Il n’y a pas de bonne réponse. Chaque couple est unique, du fait des deux personnes singulières et précieuses qui le composent, et de leur histoire commune. Ayons l’audace de ne pas d’abord regarder ce que font les autres, mais d’assumer notre singularité et notre propre façon de cultiver le bonheur. Ayons la confiance en nous nécessaire pour ne pas comparer notre couple à celui des autres, pour ne pas chercher à paraître plus que ce que nous sommes, mais à vivre bien ancrés dans notre réalité. Ouvrons les yeux sur celui ou celle que nous avons choisi et qui est là à côté de nous : bien plus que n’importe quelle chimère, c’est avec lui, avec elle que nous pouvons être heureux.
* les prénoms et les situations ont été modifiés pour préserver la confidentialité des entretiens garantie aux personnes que j'accueille dans le cadre professionnel.
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